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grand poète : elles ne sont pas d’un homme puissant et original par la pensée. Tous les progrès de l’intelligence humaine en ce siècle se sont accomplis par d’autres que lui. Ils sont rares, ceux pour qui Victor Hugo a été l’éducateur, le directeur de la vie intellectuelle et morale. L’esprit de ce temps, c’est dans Stendhal, Sainte-Beuve, Michelet, Taine et Renan qu’il réside. Nous ne devons à Victor Hugo aucune façon nouvelle de penser — ni de sentir. Il a donné à notre imagination d’incomparables fêtes ; mais pour qui est-il l’ami, le confident, le consolateur, celui qu’on aime avec ce qu’on a de plus intime en soi, celui à qui on demande le mot qui éclaire ou qui pénètre ? Pour qui ses livres sont-ils vraiment des livres de chevet, — si ce n’est pour quelques disciples d’une génération antérieure à la nôtre ?

Chose singulière, les jeunes poètes se détournent de cet Espagnol retentissant, de cette espèce de Lucain énorme, et le respectent fort, mais l’aiment peu. Interrogez-les : vous verrez que ceux qu’ils préfèrent, c’est Baudelaire et Leconte de Lisle, et que leur véritable aïeul ce n’est point Victor Hugo, c’est Alfred de Vigny.

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Eh ! direz-vous, que font au public ces partis pris de cénacles et de chapelles ? Il reste à Victor Hugo d’avoir été, dans ce siècle démocratique, le prophète