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Et cela ne prouve pas précisément que les bons lettrés qui se livrent à ces exercices aient le génie de Victor Hugo. Il est même certain que ce qu’il peut y avoir de beauté dans leurs parodies (et il s’en trouve quelquefois) appartient de droit au grand poète parodié. Mais cela prouve au moins qu’il y a dans la poésie de l’auteur des Quatre Vents de l’esprit une énorme part de fabrication quasi mécanique et automatique, quelque chose où ni le cœur, ni la pensée ne sont intéressés. Et c’est pourquoi j’ai pu lire, avec une admiration stupéfaite, il est vrai, et dans une sorte d’ivresse physique, mais sans une minute d’émotion, de douceur intérieure, et sans le moindre désir de larmes, les dix mille vers de Toute la Lyre. J’assistais à cette poésie si je puis dire ; j’étais même parfois bousculé par elle ; mais elle n’entrait pas en moi.

Peut-être comprendrez-vous, maintenant ma tendresse pour Lamartine et Musset, ces médiocres ouvriers qu’on ne parodie point, que personne n’a jamais eu l’idée de parodier. Ce n’est pas qu’ils aient mis dans leurs vers ce que la poésie proprement dite ne comporte point : l’analyse aiguë de Stendhal, par exemple, ou l’ironie nuancée de Renan. Et ce n’est pas non plus qu’ils aient évité les redites. Mais, d’abord, je trouve, à tort ou à raison, plus de substance dans leur œuvre, plus de rêve et aussi de pensée chez l’un et, à coup sûr, plus de passion chez l’autre. Je les sens absolument sincères, et que leur