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qu’il les a développés en cinquante ou soixante mille vers. Il y a tel de ces lieux communs qu’il a repris une centaine de fois. Cette idée, qu’on aime partout de la même façon, et qu’Amaryllis et Margot, c’est kifkif, lui a inspiré les quatre ou cinq mille vers octosyllabiques des Chansons des rues et des bois. Cette autre idée, que tout finira par une embrassade de tous les hommes en Dieu, ne lui a guère moins suggéré d’alexandrins. Il nous a certainement confié plusieurs milliers de fois que le poète est un prophète et un voyant. Il n’y a pas une seule pièce dans Toute la Lyre, qui ne rappelle des pages, je ne dis pas analogues, mais parfaitement semblables, de chacun des recueils précédents. Voici un jeu que je propose aux rares honnêtes gens qui ont vraiment lu les poètes contemporains. Quelqu’un nous citerait au hasard des vers ou même des couplets de Victor Hugo et nous demanderait d’où ils sont tirés. Nous devinerions peut-être que ces vers sont antérieurs ou postérieurs à 1840 ; mais, neuf fois sur dix, nous ne saurions à quel volume les rapporter. Or, si l’on jouait au même jeu avec Lamartine et Musset (que j’ai beaucoup moins lus, les aimant depuis moins longtemps), je me ferais fort de gagner presque à tout coup. Ne m’accusez point de puérilité. Ce détour chinois m’est une façon de constater une chose étrange. Nul n’a fait des vers plus précis de contours que l’auteur de la Légende et des Contemplations, — et nul n’en a fait, si je puis dire, de plus indiscer-