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bond » a de la grandeur et de la grâce parmi sa brutalité. Le poète mêle la bonne nature à la vie de ses gueux, qui prennent ainsi des airs de faunes autant que de « mendigots ».

Pour les « gueux de Paris », il faut distinguer. Après nous avoir très brillamment décrit une cour de ferme, M. Richepin nous montre une bande d’oiseaux voyageurs passant très haut sur la tête des poules, des canards et des dindons. Ces volailles sont les bourgeois ; ces oiseaux de passage sont les gueux. Les volailles s’émeuvent, et le poète les interpelle :

  Qu’est-ce que vous avez, bourgeois ? Soyez donc calmes !…

  Regardez-les passer ! Eux, ce sont les sauvages.
  Ils vont, où le désir le veut, par-dessus monts
  Et bois et mers et vents, et loin des esclavages.
  L’air qu’ils boivent ferait éclater vos poumons…

  Car ils sont avant tout les fils de la Chimère,
  Des assoiffés d’azur, des poètes, des fous !…

  Ils sont maigres, meurtris, las, harassés : qu’importe !
  Là-haut chante pour eux un mystère profond.

Quand M. Richepin nous présente des gueux qui répondent à peu près à cette définition, de bons gueux, de bons bohèmes de lettres, cela va bien ; nous pouvons nous intéresser à leurs « joies », à leurs « tristesses » et à leurs « gloires ». Mais les « arsouilles » et les « benoîts » sont-ils aussi des assoiffés d’azur et des fils de la Chimère ? « Un mystère profond chante-t-il » pour eux, là-haut ? Nous avons sur ce point les doutes les plus sérieux. Que M. Richepin les