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  Ils allaient, éternels coureurs toujours en fuite,
  Insoucieux des morts, ne sachant pas les dieux,
  Et massacraient gaîment, pour les manger ensuite,
  Leurs enfants mal venus et leurs parents trop vieux…

  Oui, ce sont mes aïeux, à moi. Car j’ai beau vivre
  En France ; je ne suis ni Latin ni Gaulois.
  J’ai les os fins, la peau jaune, des yeux de cuivre,
  Un torse d’écuyer et le mépris des lois.

  Oui, je suis leur bâtard ! Leur sang bout dans mes veines,
  Leur sang qui m’a donné cet esprit mécréant,
  Cet amour du grand air et des courses lointaines,
  L’horreur de l’Idéal et la soif du Néant.

J’aime, pour ma part, ces exubérances, cet orgueil, ces effets de muscles, cette outrance, cette manie de révolte. Je voudrais pouvoir dire que M. Richepin est, en poésie, un superbe animal, un étalon de prix, de croupe un peu massive. C’est plaisir d’assister à ses ébats et à ses pétarades.


II

Mais (et c’est ce qui, suivant les goûts, nous gâte M. Richepin ou nous le rend plus curieux à considérer) cet étalon a fait d’excellentes humanités. C’est un rhétoricien révolté contre les lois et la morale et contre la modestie du goût classique, mais classique lui-même, et jusqu’aux moelles, dans son insurrection. Ce Touranien possède tous les bons auteurs aryas. C’est le sein de l’Alma mater qu’il a tété, ce