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catholique comme Veuillot pouvait parler ainsi. Mais nous hésitons beaucoup à nous approprier de si dures conclusions.

Une chose qu’il ne faut pas oublier, c’est sa candeur, ce « fonds d’enfance et d’innocence » que signale Joubert dans l’admirable lettre à Molé. « Il ne parle point, il ne s’écoute guère, il ne s’interroge jamais. » C’est, par suite, l’incapacité de se sentir et de se concevoir ridicule. Cela est (avec leur génie, bien entendu) une très grande force chez beaucoup d’hommes de génie.

Il y a de la candeur dans son excessive et constante préoccupation de la gloire et de l’immortalité. Car quelle chose incertaine et courte, même en mettant tout au mieux, doit être la gloire pour un écrivain d’aujourd’hui, même très grand ! Il y a de la candeur dans son goût pour l’emphase. Même sa correspondance étonne souvent par le manque de simplicité. Presque jamais elle n’est familière, pas même avec madame Récamier vieillie. Il y a de la candeur dans son respect superstitieux pour certaines formes particulièrement solennelles de la littérature, dans le sentiment qui lui fait écrire deux épopées en prose, et finalement une tragédie sacrée.

Car, après l’Itinéraire, en pleine maturité de son talent, ce rénovateur de notre prose s’avise de composer une tragédie en vers : Moïse, par où il renoue, non pas précisément avec Racine, mais bien avec Coras et Duché. Et ce ne fut point un caprice ou un divertissement d’un jour. Il y apporte une extrême