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d’outre-tombe. Le reste, il le publie, en 1827, sous le titre de Voyage en Amérique. Mais les morceaux insérés dans les Mémoires ont été sûrement retouchés ou même « récrits » par l’auteur ; ils sont, à n’en pas douter, de sa dernière et souveraine manière. Au contraire, le Voyage en Amérique semble bien être la reproduction à peu près intacte du premier manuscrit ; donc, comme je le disais, le premier livre de Chateaubriand. Il est intéressant à ce titre.

L’auteur est déjà un fort brillant écrivain. Il est plein, nous le savons, de Jean-Jacques et de Bernardin. Comme peintre, il les égale, il ne les dépasse pas : ce qui n’a rien de surprenant, car il n’a que vingt-deux ou vingt-trois ans. Mais c’est déjà fort beau, vraiment.

 Liberté primitive, je te retrouve enfin ! Je passe comme cet
 oiseau qui vole devant moi, qui se dirige au hasard et n’est
 embarrassé que du choix des ombrages. Me voilà tel que
 le Tout-Puissant m’a créé, souverain de la nature, porté
 triomphant sur les eaux, tandis que les habitants du fleuve
 accompagnent ma course, que les peuples de l’air m’enchantent
 de leurs hymnes, que les bêtes de la terre me saluent, que les
 forêts courbent leur cime sur mon passage. Est-ce sur le front
 de l’homme de la société ou sur le mien qu’est gravé le sceau
 immortel de notre origine ? Courez vous enfermer dans vos cités,
 allez vous soumettre à vos petites lois, etc.

Il me semble que voilà d’excellent Rousseau.