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propre panégyrique en autant de volumes qu’il voudra et comme il le voudra, et que la France s’y intéresse, et l’attend. Oh ! oui, il a dû jouir de ces Mémoires d’outre-tombe !

Les Mémoires d’outre-tombe ! Ce titre à effet est assez singulier quand on y songe. Littéralement, cela voudrait dire : mémoires des choses arrivées par delà la tombe, ce qui serait absurde. Et, en réalité, cela signifie : mémoires des choses qui, publiées après la mort, nous parviennent à travers le tombeau. Mais cette expression impropre présente une image vague et magnifique. Et les Mémoires de Chateaubriand ne pouvaient pas s’appeler simplement Mémoires. Mémoires d’outre-tombe, ce titre les agrandit en y mêlant l’idée de la mort, leur donne quelque chose de mystérieux et de solennel.

Qu’un écrivain soit vaniteux, cela est la règle. Mais il apparaît dès le titre, et dès la Préface testamentaire, et dès l’Avant-propos, et dès les premières pages, et ensuite à chaque page, ou peu s’en faut, que Chateaubriand, comme il est, je crois, le plus grand trouveur d’images, est l’écrivain le plus vaniteux de la littérature française, et probablement de toutes les littératures. Il est impossible de n’en être pas agacé, et finalement chagriné. Et il est peut-être impossible de ne pas compatir à une si énorme et naïve faiblesse.

La vanité de Chateaubriand est unique et par le degré, et par le besoin continuel de l’exprimer. Rabelais,