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fond, il aime cette vie-là, qui lui rappelle son fameux voyage au Canada, ou sa vie à l’armée des princes. Son voyage en Orient, cent ans avant l’agence Cook, n’est pas sans dangers. Chateaubriand est à la fois le plus homme de lettres des gens de lettres et un rude compagnon ami de l’aventure même périlleuse.

Ou bien ce sont des passages d’une verve colorée, de celle qui s’épanouira à l’aise dans les Mémoires. Ceci par exemple (en naviguant de Rosette au Caire) :

… Pendant ce temps-là nos marchands turcs descendaient à
 terre, s’asseyaient tranquillement sur leurs talons, tournaient
 leurs visages vers la Mecque, et faisaient au milieu des champs
 des espèces de culbutes religieuses. Nos Albanais, moitié
 musulmans, moitié chrétiens, criaient « Mahomet ! » et « Vierge
 Marie ! », tiraient un chapelet de leur poche, prononçaient en
 français des mots obscènes, avalaient de grandes craches de vin,
 lâchaient des coups de fusil en l’air et marchaient sur le ventre
 des chrétiens et des musulmans.

Et Jérusalem ? direz-vous. Car enfin le titre du livre est l’Itinéraire de Paris à Jérusalem ; ce voyage est un pèlerinage, et Chateaubriand nous a dit qu’il l’entreprenait avec les sentiments et la foi d’un pèlerin du moyen âge. Mais c’est ici la même chose que pour les Martyrs. Dans les Martyrs, c’est le paganisme qu’il aime et qui est charmant, et c’est le christianisme qui est ennuyeux.