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les libéraux du dix-neuvième siècle, il distingue toujours, dans les événements révolutionnaires, « ce qu’il faut condamner, l’accident » et « l’intelligence cachée qui jette parmi les ruines les fondements du nouvel édifice. » Chose vraiment étrange, en 1821 (et il le maintient en 1846), il parle sérieusement, comme feront les Michelet et les Quinet, d’« une rénovation de l’espèce humaine dont la prise de la Bastille ouvrait l’ère, comme un sanglant jubilé. » C’est que, voyez-vous, cet enfant de volupté et de théâtre a trop joui de son imagination et s’est trop amusé ces années-là.

Et cependant (ici je ne comprends plus très bien), au moment où Paris était si curieux et si grisant et présentait tous les jours, à ce passionné de drame et d’images, un spectacle unique et irretrouvable, tout à coup il part pour l’Amérique du Nord.

Dans ses Mémoires, il nous dit subitement (et il est vrai que, quelques années auparavant, il avait songé à aller au Canada ou aux Indes) : « Une idée me dominait, l’idée de passer aux États-Unis. Je me proposais de découvrir le passage au nord-ouest de l’Amérique. » Simplement. Et un peu plus loin, il nous dit que M. de Malesherbes lui montait la tête sur ce voyage ; qu’il allait le voir le matin ; que, le nez collé sur des cartes, ils supputaient tous deux les distances du détroit de Behring au fond de la baie d’Hudson ; qu’ils lisaient les divers récits des voyageurs « anglais,