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œuvre d’un chef d’armée et d’État et celle d’un écrivain, et que les « grandeurs de chair » ont trop d’avantages, aux yeux grossiers de la foule, sur les grandeurs spirituelles, surtout quand l’esprit n’est pas absent de ces « grandeurs de chair » elles-mêmes.

« Peu à peu mon imagination fatiguée de repos… vit se former de lointains fantômes. Le Génie du christianisme m’inspira l’idée de faire la preuve de cet ouvrage, en mêlant des personnages chrétiens à des personnages mythologiques. » (« Personnages mythologiques » semble ici assez impropre)… Ainsi le Génie du christianisme l’obligeait d’écrire les Martyrs. Et sans doute aussi la concurrence de l’empereur l’obligeait de ne rien écrire de moins qu’un poème épique. Seule, une épopée pouvait lutter contre la grandeur de Napoléon. Chateaubriand avait le préjugé de l’épopée. Nous avons vu qu’il considère l’Iliade (qui se fit presque toute seule) comme bien plus difficile à faire et, par conséquent, plus honorable que l’Œdipe roi. Ce novateur persistait, docilement, à regarder l’épopée comme « le premier des genres », dans un temps où personne je crois, ne réclamait d’épopée, et où les circonstances sociales avaient cessé depuis longtemps (mettons depuis trois siècles) d’être favorables à une composition de cette espèce. (Les « gestes » mêmes de Napoléon, d’ailleurs détestées de Chateaubriand, étaient trop proches pour être mises en épopée). N’importe, il voulait faire son poème