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en fût-il résulté pour Chateaubriand ? Lui-même répond dans les Mémoires (trente-quatre ans après) : « Ma carrière littéraire était finie ; entré de plein saut dans la carrière politique, où j’ai prouvé ce que j’aurais pu par la guerre d’Espagne, je serais devenu riche et puissant. La France aurait pu gagner à ma réunion avec l’Empereur ; moi, j’y aurais perdu. Peut-être serais-je parvenu à maintenir quelque idée de liberté et de modération dans la tête du grand homme ; mais ma vie, rangée parmi celles qu’on appelle heureuses, eût été privée de ce qui en fait le caractère et l’honneur : la pauvreté, le combat et l’indépendance. »

Il n’avait jamais été bourbonien que par point d’honneur ; il était l’intime ami de Fontanes et lié avec l’une des sœurs de Bonaparte. Il admirait le premier consul et l’avait signifié dans la préface d’Atala. (« On sait ce qu’est devenue la France, jusqu’au moment où la Providence a fait paraître un de ces hommes qu’elle envoie en signe de réconciliation, lorsqu’elle est lassée de punir. ») Il pouvait poursuivre sa carrière dans la diplomatie impériale. Mais son orgueil et son inquiétude d’esprit ne lui eussent pas permis d’y durer longtemps. Peut-être valut-il mieux pour lui qu’il s’affranchît tout de suite.

Mais le voilà assez désorienté. De 1804 à 1809, date de la publication des Martyrs, puis de 1809 à 1811, date de la publication de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, c’est-à-dire pendant sept années, que