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avait lues (d’après V. Giraud). Or, Maistre annonce, à la fin du premier chapitre, une renaissance religieuse ; et, au second chapitre, Chateaubriand put lire ceci : « L’effusion du sang humain n’est jamais suspendue dans l’univers… Il y a lieu de douter, au reste, que cette destruction violente soit, en général, un aussi grand mal qu’on le croit… Les véritables fruits de la nature humaine, les arts, les sciences… les hautes conceptions… tiennent surtout à l’état de guerre… En un mot on dirait que le sang est l’engrais de cette plante qu’on appelle génie. » Le jeune Chateaubriand dut se dire : ceci est écrit pour moi.

Étant donnés son éducation, son enfance chrétienne, sa sensibilité, le tour de son imagination, et qu’il était parmi les victimes de la Révolution et par conséquent de l’impiété révolutionnaire ; que, même dans sa période d’ « égarements » et de doute, il n’avait pas cessé d’être ému par les « beautés » de la religion ; que, tout jeune, il avait eu la fureur d’écrire (douze heures par jour à l’occasion) et sur les grands sujets, et que jamais peut-être on ne vit jeune écrivain débuter par d’aussi énormes ouvrages ; que, dans l’Essai et même dans les Natchez, la préoccupation religieuse est fréquente ; qu’il voulait la gloire, et que c’est peut-être la seule chose qu’il ait voulue énergiquement ; qu’il voulait jouer un grand rôle par la plume ; qu’à cette époque la grande œuvre à écrire, le « livre à faire », c’était une apologie de la religion