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des plus grands criminels de la Révolution. Il ne leur paraissait pas ragoûtant de continuer à penser comme ces gens-là. Les doctrines étaient jugées par leurs fruits. Puis, en poursuivant d’une haine pareille les nobles et les prêtres, la Révolution avait créé entre eux une solidarité que les plus corrompus même de l’ancien régime acceptaient par point d’honneur. Madame de Duras dit très bien (dans une note de son roman d’Édouard, 1825), après avoir indiqué la corruption de la fin du dix-huitième siècle : « Une seule chose avait survécu à ce naufrage de la morale… : c’était l’honneur. Il a été pour nous la planche dans le naufrage, car il est remarquable que, dans la Révolution, c’est par l’honneur qu’on est rentré dans la morale ; c’est l’honneur qui a fait l’émigration ; c’est l’honneur qui a ramené aux idées religieuses. » Or l’honneur fut éminemment la vertu de Chateaubriand, et fut peut-être sa seule vertu.

Ajoutez que, chez beaucoup d’incroyants provisoires, l’excès du malheur, le besoin d’un recours, durent réveiller les impressions religieuses de leur enfance. Lorsque Chateaubriand apprit la mort de sa mère, il revit ses années de Combourg et du collège de Dol, — et sa première communion qu’il raconte ainsi dans les Mémoires : « J’approchai de la Sainte Table avec une telle ferveur que je ne voyais rien autour de moi. Je sais parfaitement ce que c’est que la foi, par ce que je sentis alors. La présence