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Il a donc reçu une lettre de sa sœur morte lui annonçant la mort de sa mère ; il a pleuré ; il est devenu chrétien. Cela est fort beau ; mais cela est un peu arrangé. (Voyez Victor Giraud, la Genèse du Génie du christianisme.) En réalité, la lettre par laquelle madame de Farcy annonçait à son frère la mort de leur mère lui est parvenue bien avant la mort de madame de Farcy ; et lorsqu’il apprit cette mort de sa sœur, le Génie du christianisme était déjà fort avancé. Mais l’auteur tenait à sa phrase : « Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort qui servait d’interprète à la mort… » Il resterait donc que, dans la préface d’un livre conçu avec des larmes et pour la plus grande gloire de Dieu, il altère la vérité pour produire plus d’effet (ce qu’il a fait d’ailleurs toute sa vie). Et cela n’est certes pas un crime, mais cela ne marque pas un très grand sérieux, — ni, comme dit le Psaume, « un cœur profondément contrit et humilié ».

Il continue, dans les Mémoires : « Je m’exagérais ma faute : l’Essai n’était pas un livre impie, mais un livre de doute et de douleur… Il ne fallait pas grand effort pour revenir du scepticisme de l’Essai à la certitude du Génie du christianisme. »

Cela paraît assez vrai. Dans les plus grandes hardiesses de l’Essai, « s’il était philosophe par les opinions, il ne l’était point par les conclusions » (Sainte-Beuve). Il niait le progrès, ce dogme capital des philosophes. Il avait pour les encyclopédistes les sentiments de Rousseau. Il inclinait vers une