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nissent l’aliment vainement cherché jusque-là. Les subtilités de la logique scolastique ne sont qu’un jeu pour le naissant dialecticien. Il étonne et déconcerte ses maîtres par la profondeur de ses observations, par la nouveauté de ses vues, par la sagacité de ses critiques. Avec une admirable pénétration, il démêle les vices et l’insuffisance de la logique traditionnelle, en même temps qu’il en apprécie les heureuses inventions et en mesure tout le prix[1].

L’idée de donner au raisonnement logique la rigueur du calcul mathématique et de créer « un alphabet des concepts », une langue des idées aussi claire et aussi universellement acceptée que celle des nombres, se présente à son esprit et enflamme déjà sa jeune curiosité. « Ce que j’écrivis à ce sujet à l’âge de quatorze ans, » écrira-t-il à Wagner en 1696, « je l’ai relu beaucoup plus tard, et j’ai eu sujet d’en être extraordinairement satisfait. »

Riche de connaissances littéraires et historiques et d’une culture logique qui dépasse de beaucoup son âge, il apparaît à ses condisciples comme une sorte de prodige. « Ita animatus ille, cum in cœtum æqualium de more venisset, pro monstro erat[2] ».

À l’âge de quinze ans, il quitte le gymnase et entre à l’Université en 1661. Les cinq années qu’il y passe ne sont pas marquées par de moins surprenants progrès que les précédentes. Les maîtres qu’il rencontre, et en particulier Jacob Thomasius, révèlent à son esprit, presque exclusivement dominé par la lecture des philosophes scolastiques, le véritable sens du péripatétisme, trop souvent défiguré par les docteurs du moyen âge ; et l’initient, d’une façon bien incomplète encore, sans doute, aux nouveautés de la doctrine cartésienne. Leibniz nous a conservé dans une lettre à M. de Montmort le

  1. Leibnitii opera philos., p. 420. Lettre à Wagner.
  2. Erdmann, p. 94.