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des apparences par une ferme volonté de faire des réflexions, et de ne point agir ni juger en certaines rencontres qu’après avoir bien mûrement délibéré. Il est vrai cependant et même il est assuré de toute éternité que quelque âme ne se servira pas de ce pouvoir dans une telle rencontre. Mais qui en peut mais ? et se peut-elle plaindre que d’elle-même ? Car toutes ces plaintes après le fait sont injustes, quand elles auraient été injustes avant le fait. Or, cette âme, un peu avant que de pécher, aurait-elle bonne grâce de se plaindre de Dieu comme s’il la déterminait au péché ? Les déterminations de Dieu en ces matières étant des choses qu’on ne saurait prévoir, d’où sait-elle qu’elle est déterminée à pécher, sinon lorsqu’elle pèche déjà effectivement ? Il ne s’agit que de ne pas vouloir et Dieu ne saurait proposer une condition plus aisée et plus juste ; aussi tous les juges, sans chercher les raisons qui ont disposé un homme à avoir une mauvaise volonté, ne s’arrêtent qu’à considérer combien cette volonté est mauvaise. Mais peut-être qu’il est assuré de toute éternité que je pécherai ? Répondez-vous vous-même : peut-être que non ; et sans songer à ce que vous ne sauriez connaître, et qui ne vous peut donner aucune lumière, agissez suivant votre devoir que vous connaissez. Mais dira quelque autre, d’où vient que cet homme fera assurément ce péché ? La réponse est aisée, c’est qu’autrement ce ne serait pas cet homme. Car Dieu voit de tout temps qu’il y aura un certain Judas dont la notion ou idée que Dieu