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XIII.
Malebranche an Leibniz.

J’ai reçu avec bien de la joye la lettre que M. l’Abbé Torelli m’a rendue de votre part, et je vous suis extremement obligé de l’honneur de votre souvenir. Je suis bien persuadé, Monsieur, que l’amitié dont vous m’honorez n’est pas inconstante comme celles qui ne sont fondées que sur des passions volages. Il n’y a que l’amour de la verité qui lie etroitement les cœurs. Et comme vous me rendez cette justice de croire que j’ai quelque amour pour elle, je suis persuadé que celui que vous lui portez se repandra toujours jusques à votre tres humble serviteur. Les obligations particulieres que vous ont tous ses disciples, à cause des nouvelles vues que vous leur avez données pour avancer dans les sciences, ne leur permettent pas d’être indifferens à l’egard de votre mérite ; et s’il y en a qui le soient ou qui le paroissent, ils ne font tort qu’à eux mêmes, du moins dans l’esprit des habiles gens. La seule methode des infiniment petits, dont vous êtes l’inventeur, est une si belle et si feconde découverte, qu’elle vous rendra immortel dans l’esprit des sçavans. Mais que ne feroit point le calcul integral, si vous vouliez bien comumniquer aux Geometres une partie de ce que vous sçavez sur cela ! Souvenez vous, Monsieur, que vous y êtes comme engagé, et que l’on attend avec impatience l’ouvrage De scientia infiniti, que vous nous avez promis. L’ingratitude des ignorans ou des esprits jaloux ne doit pas frustrer vos admirateurs du bien que vous pouvez leur faire, sans en devenir moins riche ; et la verité, que vous aimez, ne souffre pas qu’on la traite comme les avares leurs richesses. Vous sçavez, Monsieur, mieux que moi, ce que j’ai l’honneur de vous dire, et je suis persuadé que vous aimerez en moi cette ardeur qui me fait vous presser et vous importuner de me délivrer de mon ignorance.

En relisant à la campagne, où j’avois quelque loisir, le méchant petit Traitté de la communication des mouvemens, et voulant me satisfaire sur les troisiemes loix, j’ai reconnu qu’il n’étoit pas possible d’accorder l’experience avec ce principe de Descartes, que le mouvement absolu demeure toujours le même. J’ai donc tout changé ce traitté ; car je suis maintenant convaincu que le mouvement absolu se perd et s’augmente sans cesse, et qu’il n’y a que le mouvement de même part qui se conserve toujours le même dans le