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et lettres intimes



VIII




Rennes, octobre 1838.


Mon poète, il est vrai, jamais rien ne nous sèvre
De ce lait parfumé qui nourrit notre lèvre ;
Jamais l’élan secret qui nous brûle toujours
Ne cesse d’exhaler, en limpides amours,
En fortes vérités, en nobles harmonies,
Le charme impérieux de ses voies infinies ;
Et, quels que soient les cris de ce monde moqueur,
Qui jette le dédain à tout accent du cœur,
Quel que soit son éloge ou quel que soit le blâme,
Consciencieux et forts de notre intime flamme,
Nous semons pas à pas le sourire et les fleurs,
L’hymne au juste, la crainte au méchant, et nos pleurs
En offrandes d’amour sur les âmes flétries
Versent leurs doux parfums et leurs plaintes fleuries.
Tels, mon poète, ainsi que d’un blanc lys penché,
Tombent les accents purs de votre amour caché,
Telle la douce voix de vos chastes pensées,
D’une douleur intime en secret oppressée,