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Il se dresse, les bras en croix sur la falaise :
Et, dans sa nudité formidable debout,
Il écoute, empourpré par un reflet de braise,
Le courroux de Molok ronfler dans la fournaise,
Et la mêlée, au pied du mont, qui gronde et bout.

Il évoque en son cœur l’orgueil des hautes races,
Le sacrifice vain, le ciel toujours fermé,
Et la Patrie en deuil sur ses noires terrasses :
Et, suprême holocauste aux baalim voraces,
Hamilkar a bondi dans le gouffre enflammé.

Nul cri n’a révélé l’offrande volontaire,
Et la divinité garde, en ses plis mouvants,
La muette victime arrachée à la Terre,
Pendant que s’épaissit, sur le roc solitaire,
L’épouvante sacrée éparse dans les vents.

Car dans la nuit, parmi les vapeurs du carnage,
Le bûcher colossal flamboie, horrible et seul ;
La montagne s’éclaire, et, d’étage en étage,
Sur les guerriers tombés pour les Dieux de Carthage,
La gloire de Molok descend comme un linceul.