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« Je mourrai. Dans ma tombe aux voûtes colossales,
Avec mon arc de fer, moi, le puissant Archer,
À mon heure, j’irai m’étendre et me coucher ;
Et, sur mes lourds créneaux et dans mes hautes salles,
L’univers affranchi n’entendra plus marcher,

Sur ma couche de pierre, auprès de mes ancêtres,
Ceint du glaive, entouré de mes noirs lévriers,
Je fermerai mes yeux éteints, et mes guerriers,
Mieux qu’au chant du kinnor ou qu’aux hymnes des prêtres,
Berceront mon sommeil de leurs pas meurtriers.

Ainsi qu’un cavalier, la tête sur sa selle,
D’Asshour et de Nimroud l’éponyme et l’aïeul
Dort sur son lit de roc, épouvantable et seul ;
Et, quand il m’entendra venir, le grand Rebelle
Étendra sous mes pas les plis de son linceul.

Superposant les arcs de pierre et les étages,
Plus haut que la clameur des montagnes du Nord,
Plus haut que l’ouragan, plus haut que le remord,
Mon sépulchre éternel, dominateur des âges,
De mon nom monstrueux encombrera la mort.

Car si profondément, dans la peur et la haine,
J’ai tracé mon ornière et creusé mon sillon,
Que, soufflant sur ma tombe en épais tourbillon,
L’inexpiable cri de la souffrance humaine
Éploiera dans mon ciel ses ailes d’aquilon ;