Page:Leconte - La Jeunesse de Leconte de Lisle, 1909, AB, t24.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.
452
la jeunesse de leconte de lisle


matérialisme antique et appelée à de nouvelles et brillantes destinées par la rédemption.

Ces idées exprimées en tête de la première livraison, comme programme du journal, par un professeur de la Faculté des lettres, récemment fondée, M. A. Nicolas, séduisirent et gagnèrent à la cause Charles Leconte de Lisle. Il est vrai que les différents articles qui composaient ce numéro restaient bien au-dessous de ces brillantes promesses ; mais n’était-ce pas la faute des rédacteurs plus que du journal ? Leconte de Lisle prêta donc son concours à ce journal de libéralisme catholique, et y publia des poésies, des nouvelles et des articles de critique en attendant d’en devenir le rédacteur en chef, puis le directeur jusqu’à la chute de La Variété, un an après sa naissance ; triste résultat d’un grand effort !

Leconte de Lisle, grand admirateur de la doctrine sociale du Christ, devait tout naturellement embrasser la cause d’un parti chrétien, dès lors que ce parti prétendait se rapprocher des sources mêmes de son origine, de l’Évangile et de la communauté des premiers fidèles, enfin de ces principes dont l’oubli avait causé la crise religieuse du dernier siècle. C’est ce qu’avait vu clairement Lamennais, quand il avait dit : « Rapprochez l’Église du peuple, si vous voulez qu’elle vive. » Mais on avait fait taire cette voix qui prêchait le mépris des traditions acquises ; le pape avait retranché du vieux tronc catholique le rameau dont la sève vivace menaçait de tout envahir… ; et forçant sur la note, le poète Édouard Turquety, le grand homme de la cité rennaise, avait expurgé l’art des tendances alarmantes de ce libéralisme dangereux ; il avait ramené à une confession plus orthodoxe le spiritualisme trop vague de Chateaubriand, et aux « jeunes », toujours désireux de se distinguer dans l’imitation admirative de l’homme du jour, il avait montré ses poèmes signés de la croix romaine, hors de laquelle, même en littérature, il ne saurait y avoir de salut.

Ainsi le mouvement de La Variété résultait de la fusion de deux idées disparates : d’abord une idée venant de l’école de Lamennais, idée de christianisme social, sur laquelle