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chanté par celle-ci les intriguait également beaucoup.

Aussi, dès le lendemain, revinrent-ils. Mais Folette ne se montra pas. Le surlendemain, ils revinrent encore et… Folette ne se montra toujours point.

Seulement, puisqu’elle leur avait permis de venir voir les oiseaux tant qu’ils voudraient, ils profitèrent de cette heureuse fortune. Combien elle était nécessaire pour faire diversion à leurs soucis ! Il fallait bien le spectacle chatoyant de tous ces beaux emplumés pour déverser sur eux, comme l’arôme du pavot, cette fleur de l’oubli, un peu de quiétude et d’apaisement.

Ils n’osaient pas se le dire, mais tous deux chaque soir se débattaient avec le même cauchemar. Ils avaient conté à M. des Aubiers leur visite, toute leur visite à Folette. Celui-ci les avait écoutés un peu distraitement. Il ne leur avait expliqué ni le mystère du Prince charmant, ni celui de l’oiseau parleur, et il s’était contenté de rire.

Mais son rire était celui d’un homme accablé de soucis.

Pierre et Violette savaient bien pourquoi. Le terme approchait, la semaine s’écoulait… Blandot et Palenfroy allaient revenir, et le malheureux Pierrot était à court d’expédients pour les chasser.

— C’est drôle, dit un jour Pierre à Violette, que ton papa ne dise rien de rien ni pour Folette ni pour la saisie du donjon. As-tu osé lui parler de Blandot ?

— Oui. Mais papa, tu sais, il ne dit que ce qu’il veut dire. Il a toujours l’air d’être avec moi comme si j’étais une enfant. Je ne sais pas pourquoi, il m’a fait une drôle de phrase comme s’il plaisantait : « Bah ! bah ! qu’il m’a dit, votre oiseau bleu m’apportera bien les beaux billets libérateurs. » On aurait cru qu’il se moquait de moi. Vois-tu ça, toi, un oiseau qui apporte des billets ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Au soir du septième jour, les enfants réfléchissaient donc tristement à ces choses dans la cour du château des Aubiers.

Le matin, Pierre, toujours romanesque, avait eu une idée bien à lui.

— Je voudrais tant voir le clair de lune sur le donjon, avait-il dit à Violette.

— C’est facile, avait répondu celle-ci. Viens ce soir. Ta maman te laisse libre quand tu veux, maintenant. Elle a l’air « tout chose ».

— C’est tout de même vrai, avait répondu Pierre.

Et c’est pourquoi, ce soir-là, les deux petits attardés, après que tout le monde s’en était allé au lit, demeuraient assis entre le château, l’orangerie et le donjon.

Comme pour leur jouer un mauvais tour, la lune s’était cachée aussi dans un nuage d’argent. Mais c’était bien beau tout de même ce voile de gaze aux tons laiteux qui enveloppait les choses dans une atmosphère d’irréalité !

Le donjon avait grandi, le château aussi, les arbres montaient jusqu’au ciel blanc, et, sur leur banc de pierre, les enfants, silencieux, demeuraient impressionnés par la majesté nocturne, quand un léger bruit fit tressaillir leurs nerfs un peu surexcités.