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déposer son courrier dans le petit panier.

Il ignorait jusqu’au véritable nom de Folette, que les curieux lui avaient souvent demandé.

Étrange détail : quand Folette était malade, le petit panier montait tout seul sitôt qu’on avait hélé la maîtresse de céans par la fenêtre. D’aucuns assuraient qu’elle avait dressé quelqu’un de ses oiseaux pour lui tenir lieu de concierge et de monte-plat.

- L’oiseau bleu ? se demandait Pierrot… Qui sait ? Peut-être.

Car assurément les rapports étaient cordiaux entre ce détestable animal et sa très douce maîtresse.

Le Prince charmant, Violette et Pierre suivirent donc Mme Folette qui, par un escalier de meunier extérieur au logis, accéda jusqu’au premier étage du vieux moulin vêtu de lierre. Elle ouvrit une petite porte vétuste, s’engouffra dans la maison, et ses visiteurs eurent quelque peine à la suivre tant elle avait, comme toujours, la marche preste.

— Fait pas bien clair chez vous, madame, fit le Prince charmant d’un air moitié badin, moitié goguenard.

Pierre, en l’entendant parler plus à son aise, connut avec étonnement que ce prince aux yeux de velours avait un peu l’accent des faubourgs de Paris.

Effectivement la grande pièce ronde dans laquelle on venait d’entrer n’était éclairée que par deux petits œils-de-bœuf, et sur les vitres débordait le revêtement des lierres, des jasmins et des glycines, dont la parure glauque donnait à la pièce des teintes d’aquarium.

Tout de même, quand leurs yeux furent accoutumés à la pénombre, les visiteurs demeurèrent saisis d’étonnement.

Il y avait quelque chose de féerique ou de princier dans l’intérieur de ce vieux moulin sordide.

Le carrelage rouge disparaissait presque sous le tapis d’Orient aux couleurs caressantes et harmonieuses et sous les peaux de tigre, de panthère et de lion dont les yeux de verre, à jamais immobiles, luisaient dans l’ombre. Des tapisseries d’Aubusson dissimulaient les murs blanchis à la chaux, laissant place, çà et là, pour des panoplies d’armes exotiques, des casques japonais aux grimaçants sourires, des paravents en laque de Coromandel, des armures hindoues ou persanes d’une admirable facture.

On aurait cru l’immense cabine d’un grand voyageur, si d’autres beautés mobilières n’avaient décelé par surcroît tout un glorieux passé français.

Partout où s’accrochait la faible lumière, l’œil s’arrêtait complaisamment sur les cabinets en marqueterie Renaissance, les consoles Louis XIV merveilleusement ouvragées, les piédouches de marbre griotte, les vases d’albâtre, les brûle-parfums de porphyre et d’onyx.

— Ah ! mince ! cria le Prince charmant ébahi, ce que c’est chouette chez vous, madame !

L’admiration était sincère, le ton enjoué… Malgré tout, Pierre et Violette se regardaient indignés… De telles expressions étaient peu communes à leurs oreilles.

- Il n’est certainement pas prince, pensa Violette un peu déçue.

Folette n’avait pas écouté. Elle suivait ses pensées.

— Monsieur le peintre, commanda-t-