Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/8

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il la découvrit ! À plat ventre, il se glissa courageusement dans un boyau humide et gluant, qui le conduisit à l’entrée d’un souterrain plus élevé. Loin, très loin, comme au bout d’un tunnel, l’aube confuse d’un peu de jour annonçait la délivrance.

Pierre avança pas à pas, sans hâte fébrile. De temps à autre, n’est-ce pas ? il faudrait donner un bon coup d’épée, bien placé, qui met en fuite ou qui transperce, et après lequel on essuie à son mouchoir la lame rougie de sang… Et il continuait, courbé en deux, ses épaules froissées par les parois rugueuses. Il ne doutait pas que le combat définitif ne fût proche. Encore quelques minutes, et il faudrait en découdre. Mais oui !… — Déjà, il lui semblait entendre…

Il prêta l’oreille. Oui ! oui ! là-bas, à l’issue du souterrain, des cris retentissent… des cris éplorés que pousse une voix suraiguë, que dénaturent un peu les échos. Une voix féminine ? Qui sait ? Horreur ! C’est assurément Peau d’Âne qui appelle au secours. On l’attaque ? On l’égorge ?

Pierre s’élança. Le souterrain s’ouvrait sur une gorge sombre et mystérieuse, inconnue du soleil, tapissée de plantes qu’il vit gigantesques. Mais, cette fois, orties et vipérines, Pierre les dédaigna, stimulé par les cris qui redoublent… Ciel ! Tout à coup, il perçoit le tumulte d’un galop furieux qui se rue de son côté. Quelque chose d’énorme jaillit en face de lui dans l’ombre louche. Perdant un peu la tête, mais non le courage devant l’ennemi, il pointe sa rapière et s’exclame, d’une voix qui retentit dans les demi-ténèbres :

— Halte !  ! où je fais feu !

Le menace dut terrifier la « chose énorme », bête apocalyptique — une licorne peut-être ? — qui pivota sur elle-même et fonça vers des proies plus complaisantes. Aussitôt, Pierre se mit à courir. Il vociférait, flamberge au poing :

— Attention Peau d’Âne ! me voici ! N’ayez pas peur !

Des lianes s’entortillaient à ses jambes. Des ronces l’égratignaient et déchiraient son justaucorps prune-de-monsieur. Ah ! combien ces menus détails lui importaient peu ! Irrésistible, il déboucha de la jungle obscure et infernale, et fut arrêté net par un obstacle qui l’étreignait au cou comme un gibier pris au collet.

Les deux dents d’une fourche en bois l’avaient happé et le ferraient impitoyablement. À l’autre bout de cette fourche, en pleine lumière cette fois, une petite créature, d’aplomb sur ses jambes comme un soldat qui croise la baïonnette, poussait Pierre, cet intrus,