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VICTOR, DE LA BRIGADE MONDAINE

Dans l’étroite rue de Vaugirard, s’allongeait un grand et vieux immeuble à petits logements. Au troisième étage, sur la gauche, le baron frappa et sonna.

Une jeune femme ouvrit vivement, les bras tendus, et, aussitôt, Victor constata que ce n’était pas celle dont il avait gardé la vision.

« Enfin, te voilà ! dit-elle. Mais tu n’es pas seul ? Un de tes amis ?

— Non, dit-il. Monsieur est de la police, et nous cherchons des renseignements sur cette affaire de Bons de la Défense à laquelle je suis mêlé par hasard. »

Ce n’est que dans la petite chambre où elle mena les deux hommes que Victor put la voir. Elle avait une figure de mauvaise santé avec d’immenses yeux bleus, des boucles brunes en désordre et des pommettes éclatantes de rouge, le même rouge violacé qu’il avait remarqué la veille sur les joues du baron. Une robe d’intérieur l’habillait. Elle portait au cou, négligemment noué, un large foulard orange rayé de vert.

« Simple formalité, mademoiselle, dit Victor. Quelques questions… Vous avez vu M. d’Autrey avant-hier, jeudi ?

— Avant-hier ? Voyons, que je réfléchisse… Ah ! oui, il est venu déjeûner et dîner, et je l’ai accompagné le soir à la gare.

— Et hier, vendredi ?

— Hier, il est venu dès sept heures du matin, et nous n’avons pas bougé de cette chambre avant quatre heures. Je l’ai conduit dehors, tout doucement, en nous promenant, comme d’habitude. »

À sa manière de parler, Victor fut persuadé que toutes ces réponses étaient fixées d’avance. Mais la vérité ne peut-elle pas être dite sur le même ton que le mensonge ?