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la tienne, qui n’est pas mal, de se conduire comme les plus laides.

Il sourit et, la baisant au front, lui dit affectueusement :

— Toi, tu es une honnête petite femme, et tu le seras toujours.

Cet excès de confiance la mortifia. Toujours ? Elle serait toujours fidèle à son mari ? Elle ne connaîtrait qu’un homme, qu’une façon d’aimer, qu’une étreinte ? S’il existait des voluptés meilleures, elle les ignorerait, toujours ?

Robert s’habillait. De son lit elle le regarda, avec une attention malveillante. Elle ne découvrit rien à critiquer. Il ne manquait ni d’élégance, ni de désinvolture. Mais elle lui en voulut d’être justement celui-là seul qui pût la posséder. Pourquoi pas un autre ? Pourquoi pas le premier qui lui plût ? Et fermant les yeux, elle tâcha de le voir, cet autre, de deviner ses paroles, sa manière d’agir avec elle, de la déshabiller, de la câliner, tous ces détails de l’intimité amoureuse, qui la tourmentaient par-dessus tout.

Chalmin parti, elle sauta à terre, et courut à sa glace. L’admiration absolue qu’elle s’accordait lui montra, là encore, l’insuffisance d’un homme. Elle se contemplait émerveillée, jamais lasse de ce spectacle. Quelle œuvre d’art inspirerait son corps à un peintre ou à un statuaire !