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au rendez-vous quotidien, son émoi quand il débouchait au coin du boulevard, l’impression bonne et chaude qu’elle conservait ensuite, tout cela ne témoignait-il pas d’un amour naissant ?

Mme  Ferville et Paul revinrent. Ils étaient graves et las. Leur physionomie exprimait une gratitude immense. Leurs yeux et leurs doigts se mêlaient. Ils parlaient d’un ton recueilli. On s’en alla, à pied, par des rues obscures. Puis Lucie ralentit le pas, les deux autres marchèrent devant elle, enlacés et tendres. Et elle envia leur bonheur.

Le lendemain, elle soigna sa mise, se coiffa d’un chapeau qui lui seyait, et partit à la conquête de Lemercier, déterminée à quelque œillade ou à quelque signe qui l’encourageât. Elle ne savait guère ce qu’il en adviendrait, elle ne prévoyait pas les actes successifs où la réduirait l’exécution de son projet. Elle voulait du nouveau, et elle s’avançait crânement comme on va vers un péril que l’on a souhaité.

Vains préparatifs, Lemercier ne parut pas. Elle s’entêta plusieurs jours, parcourut la ville, mais ne put le retrouver.

Alors elle se crut un chagrin sincère. Elle s’enferma, pria Paul d’interrompre ses rendez-vous, eut des maux de tête qui la dispensèrent de causer avec son mari, et se construisit une