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Elle affectait d’abord de ne point comprendre leur stupéfaction. Que voyaient-elles d’invraisemblable en un fait aussi naturel ? Une femme habillée comme Henriette, extravagante, coquette, indifférente à l’opinion publique, ne devait pas finir autrement. Puis son indignation débordait :

— J’ai beau me raidir et vouloir défendre une ancienne amie, je ne peux pas. Il y a des choses qui n’admettent pas l’indulgence.

Une jeune femme insinua :

— Je la connaissais, moi, Henriette. Elle était si gentille, si bonne. Somme toute, on n’avait à lui reprocher que ses toilettes et son dédain du qu’en-dira-t-on. Elle avait beaucoup de cœur. Son mari et elle ne se sont jamais entendus. Il était avare, la boudait pour une note de couturière, s’abaissait à supplier les marchands de ne rien vendre à sa femme. Il la poussait à bout. Elle a aimé ce monsieur, elle lui sacrifie tout, il y a là une certaine crânerie. Et puis on disait tant de mal d’elle, sans preuve, qu’elle n’avait rien à sauvegarder.

Mme  Chalmin l’interrompit sèchement :

— Vous avez une manière de juger ! Permettez-moi de ne pas avoir la même.

Elle se rendit aussi près du maître de pension :

— On vous a sans doute mis au courant d’un scandale qui a eu votre parloir pour théâtre.