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rocailleux, humide ou sec, elle y croissait en toute liberté.

Çà et là, à son lit de douleur, aux palmiers des Anglais, aux roses de la Corniche, à la cime du Righi, aux rocs du Saint-Gothard, restaient accrochés les derniers lambeaux de son enveloppe défunte. L’air pur de la baie des Anges, l’air vif des montagnes avaient nettoyé son corps.

Et comme toujours, elle s’abandonnait au gré des circonstances, ainsi qu’une chose inerte ballottée par la mer. Les vagues étaient gigantesques autrefois, elle montait à leur crête, roulait dans leurs gouffres, secouée, retournée, lancée de droite et de gauche. Aujourd’hui, sur l’onde assagie, elle flottait, confiante, sans un mouvement, suivait le courant paresseux qui l’emportait insensiblement vers la vieillesse.

Tant qu’elle avait pu demander beaucoup à la destinée, sa part ne la satisfaisait pas, et elle avait beaucoup exigé. Maintenant que ses droits diminuaient, ses besoins se restreignaient et elle acceptait, sans récriminations, le peu qui lui était octroyé.

Son genre d’existence ne changeait pas parce que ses goûts avaient changé, mais ses goûts plutôt se conformaient au genre d’existence que lui imposaient des forces multiples.

D’abord elle eût été incapable de reprendre sa vie dissipée. Quoiqu’elle ne fût alors jamais