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sous les bras, derrière son dos. Visiblement, elle dédaignait les critiques qu’on ne lui ménageait guère.

Lucie fut choquée. Un groupe de personnes âgées auxquelles Mme  Ramel et sa fille se mêlaient quelquefois, la renseigna. Depuis des années, Mme  Chantreuil défrayait les potins de la ville. On savait l’histoire de sa première faute, on n’ignorait rien de la seconde, ni de la troisième, ni de toutes les farces qu’elle se permettait. Elle ne se cachait pas. Elle affichait plutôt le scandale de ses mœurs. Les salons respectables lui étaient fermés.

— Qu’elle est ridicule ! bougonna Mme  Chalmin, indignée de ces fanfaronnades.

Elle ajouta :

— Et le mari, se doute-t-il ?

On répondit :

— Peuh, probablement, mais que voulez-vous ? il y a des enfants.

Le pauvre homme, elle le plaignit. Son nom traînait dans la boue. Chaque vilenie de sa femme l’éclaboussait de honte. On souriait à son passage. Il devinait l’apitoiement des poignées de main et la moquerie insultante de l’intérêt manifesté. Cependant, l’amour de ses enfants le condamnait au silence.

Et soudain cette idée la heurta : Robert, lui aussi, se taisait peut-être par devoir paternel.