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pressions d’orgueil, elle n’éprouvait rien. La volupté lui semblait fade.

Mais un bonheur profond la pénétrait. Et ce bonheur adhérait tellement à son âme, s’infiltrait si subtilement dans le sang de ses veines, s’amalgamait si intimement avec les atomes de sa peau, avec les molécules d’air qu’elle respirait, avec ses rêves et ses souvenirs, qu’il ne comportait même pas les désillusions passagères et les rancœurs habituelles.

Elle était heureuse comme on est pourvu de bons poumons, d’un bon estomac, d’un bon foie, sans qu’elle le sût, sans qu’elle agît jamais en vue de garder ce bonheur. Toutes ses facultés trouvaient leur emploi. Elle pouvait vivre la vie qu’exigeait sa nature actuelle. Elle assouvissait ses désirs. Elle ne souhaitait pas plus que la destinée ne pouvait lui accorder. Elle était heureuse.

Les événements extérieurs ne la troublaient point. Elle remplissait ses devoirs sociaux ponctuellement et machinalement. Rien ne l’intéressait.

Ainsi, un dimanche matin, son neveu, Louis, d’un ton ferme, lui proposa :

— Voulez-vous, tante, encore une fois, la dernière ?

Elle ne perçut pas son émotion. Elle médita. Un rendez-vous la réclamait. Elle répondit :