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Quand elle revit Javal, elle lui dit :

— Tu as été au cercle, hier ?

— Oui, comme d’habitude, une partie de billard et un écarté.

La scène dura deux heures. Mme Chalmin s’y montra parfaite. Tour à tour humble et hautaine, menaçante et suppliante, railleuse et désespérée, elle émit des accents d’une vérité profonde. Elle pleura, cria, trépigna.

Une souffrance si merveilleusement exprimée et mimée ne pouvait que se résoudre en une souffrance réelle. Lucie souffrit réellement.

À la fin, Pierre se fâcha :

— Eh bien, oui, là, j’ai été au théâtre, j’ai accompagné une ancienne amie, n’en ai-je pas le droit ? Et puis j’en ai assez de ta tutelle. Je ne te trompe jamais, voilà le principal… Si cela ne te suffit pas… eh bien… eh bien…

Elle riposta dignement : « Tu me chasses, soit, » et s’en alla.

Le lendemain elle revenait, soumise. Des ivresses farouches scellèrent la réconciliation.

Mais le bonheur de Lucie ne résista pas à cette épreuve. Elle n’avait plus confiance. Elle-même d’une hypocrisie maladive, elle savait combien la fourberie est aisée. Des soupçons la martyrisèrent.

Leur existence fut une série de brouilles et de raccommodements. Puis, sentant l’inuti-