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pendant la journée. Elle la rudoyait et la contredisait avec un acharnement visible.

À la fin Lucie se rebiffa. Ce fut le signal d’une sortie inexplicable chez une femme de caractère si modéré. Elle conclut en s’adressant à Robert :

— Voilà notre vie, mon ami. Nous vous l’avons caché longtemps, mais Mme Chalmin est intolérable, et moi, je n’en puis plus.

Robert se leva :

— Quelles que soient ma peine et ma reconnaissance pour vous, je ne puis admettre qu’on traite ma femme ainsi.

Parrain ni Paul ne s’interposèrent. Ce dénouement brutal les soulageait. Les deux époux quittèrent la campagne.

Afin de conjurer les effets de cette brouille vis-à-vis du monde, Lucie adopta une série de mesures habiles. Elle changea de coiffure. Les cheveux sur le front ne sont pas convenables, elle les releva à la chinoise. Elle ne se permit que des violettes ou des roses à son chapeau, des gants noirs, des ombrelles banales, des robes foncées, de coupe modeste. Elle se refusa momentanément à toute légèreté capable de la compromettre. Elle contraignit sa mère à l’escorter dans ses visites et dans ses courses. Elle choisit pour René une école d’enfants et régulièrement elle l’y menait l’après-midi, de préférence par les rues les plus fréquentées.