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Elle pensa beaucoup à cette entrevue qui lui réservait de légitimes satisfactions. De temps à autre le souvenir de M. de Sernaves l’effleurait, mais affaibli, nullement cruel. C’étaient plutôt des réminiscences de leurs minutes heureuses que son esprit sécrétait sans aucune amertume. Elle conservait la certitude qu’elle avait aimé à la folie et que, seules, des circonstances s’étaient opposées à sa fuite, des obstacles vagues, qu’elle ne cherchait pas à préciser.

Le vendredi elle se réveilla mal à l’aise. La glace lui renvoya des traits tirés, des paupières battues. Elle fit sa toilette en hâte, sans ce bel entrain et ces apprêts multiples qui d’ordinaire marquaient ses matins de combat. Son corps lui-même lui parut moins attrayant, ses chairs moins fermes. Elle craignit un examen trop sévère. Et comme seul l’aiguillonnait l’orgueil de se dévêtir devant un artiste (n’avait-il point une longue chevelure, un chapeau mou et une cravate flottante ?), la perspective de ce rendez-vous perdit tout son charme.

À deux heures, Paul la trouva dans son boudoir, hésitante encore, à moitié assoupie. Il lui dit :

— Vite, j’ai une femme de Paris qui est venue me voir. Nous allons à Canteleu. Si tu veux nous accompagner, nous sommes en voiture, à côté, rue du Renard.