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les couloirs, soutint plusieurs luttes, subit au passage les baisers d’inconnus qui se ruaient sur elle, et finalement se retrouva, avec une trentaine de convives, devant une table, chargée de viandes froides. C’était le souper des Nocturnes.

Tout de suite Verdol se leva :

— Messieurs, c’est la première fois qu’une femme du monde nous honore de sa présence. Je propose qu’on la nomme présidente de notre cercle.

Une salve d’applaudissements accueillit ces paroles. Le repas ne fut qu’une longue ovation. On l’acclamait quand elle buvait, quand elle causait, quand elle gesticulait. Excitée, elle but, bavarda et se remua beaucoup. Au café, on la gratifia d’un triple ban.

Il lui fallut, pour retourner au bal, accepter l’offre d’un Monsieur qui lui tendait le bras. Ses jambes fléchissaient. Elle voulut s’en aller, mais une rangée de masques lui barra le chemin du vestiaire.

Se résignant, elle avisa Chaussette qui avait retiré sa fourrure de chatte et se promenait en maillot et en jersey roses.

— Dis donc, Chaussette, combien d’hommes as-tu eus jusqu’ici ?

— Pas tant qu’t’en auras, fit l’autre.

Lucie s’appuya sur son épaule. Elles mar-