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il s’en servit comme d’un instrument commode, dont il possédait les moindres secrets.

Avant même d’enlever sa voilette et de l’embrasser, il la déshabillait avec des doigts fiévreux.

— Ton corps d’abord, et après, ton visage, ton visage que tous contemplent, ta bouche qui sourit et qui parle à tant d’autres, tes yeux que déshonorent tant d’images indifférentes.

Puis il chantait ses louanges avec un lyrisme qui l’étonnait lui-même :

— Je ne m’imaginais pas que l’on pût être si belle, et qu’une femme pût ainsi modifier en moi le souvenir des femmes passées, au point que toutes me paraissent laides ou difformes.

Et il s’exclamait, en se frappant les tempes de ses deux poings rageurs, comme épouvanté de son impuissance à concevoir cette beauté dans toute sa plénitude :

— Mais c’est la perfection, l’absolue perfection, c’est plus beau que le rêve, plus pur que l’idéal.

Il l’asseyait sur le divan, le buste nu. La masse de ses cheveux noirs, un peu crépus, faisait un cadre à sa tête et à ses épaules. Elle se figeait aux lèvres un sourire. Une fierté indicible animait ses prunelles, dilatait ses narines, gonflait sa gorge. Les flammes coloraient sa peau de lueurs vives. Il s’écriait enivré par sa propre extase :