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Lucie l’écoutait, distraite. Le regardant, elle le jugea un peu commun, moins bien que Robert. Elle se demanda vainement pourquoi elle l’avait accepté comme amant. Une gêne l’envahit. Elle eut tout d’un coup la sensation désagréable d’être en voiture, seule avec un étranger. Le souvenir de ses caresses la laissait indifférente. Sa chair, n’ayant rien éprouvé, ne se rappelait rien et ne lui imposait pas cette tendresse lasse des gens assouvis. Et ce monsieur en chapeau haut de forme, en pardessus noisette, le buste droit, la moustache régulière, la physionomie béate, l’importuna jusqu’à mouiller ses yeux de pleurs.

Ils arrivèrent. Les adieux d’Amédée furent touchants. Lucie, crispée, y coupa court en sautant à terre.

À peine en tramway, débarrassée de lui, elle eut une explosion de joie. Elle avait un amant ! Durant le trajet, ses attitudes, ses sourires, son agitation évidente, intriguèrent les voyageurs, de petits rentiers ou des boutiquiers de Maromme.

Elle descendit au bas du boulevard Cauchoise, et légère, la taille souple, elle se dirigea vers sa demeure, en aspirant de fraîches bouffées d’air qu’elle exhalait ensuite avec satisfaction. En face de la Préfecture, elle croisa Paul Bouju-Gavart.