Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quoi ? Elle n’en savait rien. Son imagination échauffée lui retraçait la scène de la veille, lui représentait les péripéties probables qui se préparaient, mais se refusait à une vision plus précise. L’idée de la chute ne la hanta même pas.

Avant de partir, elle embrassa son mari, calmement, sans émotion.

À l’heure assignée, elle débouchait dans le jardin de Saint-Ouen. Amédée se précipita vers elle, son chapeau de soie à la main, le crâne peu garni, l’air désolé :

— Un vrai contretemps, mes affaires me réclament à Yvetot… une grosse commande… il faut que j’y sois pour dîner si je ne veux pas que mon concurrent me la souffle… ma voiture m’attend là, à côté, rue de l’Épée… un gamin la surveille…

Il reprit haleine et hasarda :

— Si vous vouliez… vous m’accompagneriez jusqu’à Maromme, à travers la forêt Verte, et vous reviendriez en tramway…

Il insista si désespérément qu’elle se rendit à sa prière. Elle le suivit. Il monta le premier, saisit les guides, et, n’avisant rien de suspect aux environs, la fit prestement asseoir auprès de lui. Puis, par précaution, il baissa la capote, accrocha le tablier de cuir et ouvrit un immense parapluie qu’elle tint en bouclier devant elle.

La voiture s’ébranla. C’était un vénérable ca-