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blait extrême. Embarrassée, Lucie affirma :

— Ça ne fait rien, j’en ai d’autres…

— Ah ! tant mieux, soupira-t-il comme allégé.

Des gens s’attroupaient. Elle se remit en route.

À peine chez elle, elle gravit rapidement l’escalier, et ouvrit sa croisée. Il attendait, la cigarette à la bouche. Elle ôta ses gants, sa capote, sa jaquette, et s’accouda sur la rampe en bois. Ils restèrent longtemps ainsi. Lui, allait et venait, fumant toujours, pour se donner une contenance. Elle observait son manège. L’ombre descendit.

Le soir, avant de se coucher, Lucie écarta le rideau. En face, sous une porte, se dressait une haute silhouette. Un point rouge, lueur de cigare, tremblotait. Cela l’enorgueillit.

Le lendemain matin Richard expédia ses affaires. À deux heures il était à son poste. Elle sortit en toute hâte.

Le commis voyageur emboîta le pas derrière elle. Par la rue Thiers, elle gagna la rue Jeanne-d’Arc. Il faisait doux. Un gai soleil de printemps versait de la joie sur la monotonie des grandes façades symétriques. Tout en bas, une mâture de navire, grêle et gigantesque, fermait la rue amincie. À l’autre extrémité, en haut, c’était un décor de verdure, le mont Fortin, avec des toits rouges parmi les arbres.