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— C’est facile à comprendre. Échappée de la ménagerie foraine, blessée lors de la battue organisée contre elle, elle s’est réfugiée ici, où je l’ai pansée et soignée. Reconnaissante, elle m’a voué une affection fidèle. Sous sa protection, je ne crains plus rien de Maffiano. »

Après un silence, Horace s’inclina vers Patricia.

« Quelle joie de vous retrouver. Patricia ! Je vous ai crue morte… Mais pourquoi ne pas m’avoir rassuré plus tôt ? » ajouta-t-il avec un peu de reproche.

La jeune femme, un moment, demeura muette, les yeux clos, la figure figée en une expression presque hostile.

Enfin elle répondit :

« Je ne voulais plus vous revoir. Je ne peux oublier que vous en avez choisi une autre… Oui, le soir, sous la tente…

— Mais je pensais que c’était vous, Patricia.

— Vous n’auriez jamais dû le croire ! C’est cela, surtout, que je ne vous pardonne pas ! Prendre pour moi une pareille fille ! La maîtresse de Maffiano, sa servante et celle de ses affreux complices ! Comment avez-vous pu croire que j’étais capable de m’abandonner ainsi ? Et comment puis-je effacer un tel souvenir de votre esprit ?

— En y substituant un souvenir plus beau, Patricia.

— Il ne pourra pas être plus beau, puisqu’il ne sera pas. Vous avez pris une fille pour moi… Je ne veux pas rivaliser avec elle !… »

Horace, que cette jalousie remplissait de joie, se rapprocha.

« Rivaliser, vous Patricia ? Vous êtes folle ! Vous êtes sans rivale possible ! Vous que j’adore ! Enfin, vous, Patricia ! la vraie ! l’unique ! »

Enfiévré, il la saisit dans ses bras, la serra contre lui éperdument. Elle se débattit, courroucée, ne voulant pas pardonner et d’autant plus révoltée qu’elle se sentait faiblir.

« Laissez-moi, cria-t-elle. Je vous hais. Vous m’avez trahie. »

Frémissante, dans un dernier effort avant l’abandon qu’elle comprenait confusément être inévitable, elle le repoussa. Mais il ne desserra pas ses bras, inclina son visage vers le sien.

Les deux battants de la porte-fenêtre, avec fracas, s’ouvrirent d’un coup. De retour, la tigresse avait sauté dans la pièce, et, accroupie, allongée