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clut qu’elle avait été soignée par l’étrange recluse des Corneilles et s’était attachée à elle.

Vivement, ne voulant pas s’exposer à une saute d’humeur de la bête, il ferma la porte sur lui, retraversa la baraque et, le revolver au poing, retourna vers le manoir de Maison-Rouge, tout en surveillant la route derrière lui. Tout compte fait, il était assez satisfait de sortir de l’aventure sain et sauf.

Deux jours plus tard, il eut le courage d’explorer le bois impénétrable et, à nouveau, il s’introduisit dans la vieille demeure mystérieuse. Mais cette fois elle semblait abandonnée. Il ne rencontra ni la Belle au bois dormant ni la tigresse. Il appela. Aucun bruit. Il portait à la main un lourd couteau à lame triangulaire et affilée… Son but, c’était d’attirer le fauve et de l’éventrer… Ainsi la victime serait vengée ! Car, à force de réflexions, il avait acquis cette triste conviction que Patricia vivait encore quand au matin il l’avait quittée stupidement, la croyant morte. Par la suite seulement la tigresse l’avait tuée et emportée dans quelque repaire creusé sous les feuilles mortes. Et Velmont eût voulu aussi découvrir la retraite de Maffiano et le châtier. Mais rien ne lui révéla la présence des trois bandits… Des heures, il erra en vain, avide de vengeance et de massacre.

Il rentra las et déçu. Mais Victoire, à qui il confia l’affreuse certitude où il était concernant le sort de Patricia, secoua la tête avec incrédulité et lui répondit :

« Je ne change pas d’idée : elle n’est pas morte ! La bête ne l’a pas tuée, et Maffiano pas davantage.

— Et comme preuve, toujours ton intuition féminine, railla tristement Velmont.

— Cela suffit. Du reste, Rodolphe est parfaitement tranquille. Il ne s’inquiète pas de l’absence de sa mère. Il l’adore, il est nerveux et sensible… Si sa mère était morte, il en serait averti… »

Velmont haussa les épaules.

« De la seconde vue… tu crois à cela ?…

— Oui ! » dit la vieille femme avec conviction.

Il y eut un silence. De nouveau, Velmont espéra… mais n’était-ce pas folie ?… Avec irritation, il reprit :

« J’ai pourtant, cette nuit-là, tenu dans mes bras une femme bien vivante… qui au matin était morte…

— Oui, mais pas la femme que tu crois.