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Je l’ai revue souvent. Je la revois encore. Quand je souffre de l’amour, quand je me laisse prendre à la stupéfiante comédie qu’est devenu notre pauvre petit besoin d’assouvissement, je vais là-bas, et j’aime selon la nature et selon la vérité. Et j’ai la très grande joie de rendre à l’amour son unique et vraie signification.

Oui, je vais là-bas. Il se trouve dans la maison qu’abritent les remparts de Guérande la créature la plus harmonieuse et la plus sage que je connaisse. Elle n’est point d’une intelligence extraordinaire, elle écrit et elle parle mal, mais ce qu’elle a de pensées communique avec ce qu’il y a de plus essentiel. Elle est en accord absolu avec elle-même, avec ses instincts, avec ses rêves, avec l’idéal plus ou moins conscient que nous portons tous en nous. Elle reste inaccessible comme en une tour exposée aux vents et aux tempêtes, mais bien close et munie de chambres profondes et de salle mystérieuses.

Et elle vit là dedans sans contact avec personne, quelles que soient les apparences.