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Malgré tout, le jour du mariage, elle fut mélancolique. Il y avait du soleil, de la gaieté dans les rues, des gens jeunes, et que l’on devinait contents de l’être. Elle aussi était jeune, et, pas encore une fois, elle n’avait eu à se réjouir de sa jeunesse. Et maintenant…

Le soir vint ; M. Hardol la conduisit en son hôtel.

— Voici votre chambre, dit-il.

Dans un coin, elle reconnut son petit lit de jeune fille. Il s’en alla. Au bout d’un instant, il lui faisait dire qu’il l’attendait au salon.

En entrant, elle fut frappée de l’expression de sa physionomie. Il rayonnait de joie. Il lui prit la main, l’amena devant un tableau, et, tirant le rideau de soie qui le recouvrait, il lui demanda :

— Reconnaissez-vous, Marthe ?

— Oh ! mère… mère… soupira-t-elle.

— Vous l’aimiez beaucoup, n’est-ce pas ?

Elle répondit :

— Oui, beaucoup… Je ne l’ai jamais oubliée. Elle me soutenait aux jours tristes.

Il lui dit à voix basse :

— Marthe, nous nous sommes aimés votre mère et moi…

Il y eut un silence. Enfin, elle murmura :

— Je suis contente, je croyais que mère n’avait jamais été heureuse… Et puis, je comprends pourquoi vous m’avez épousée…

— Oui, affirma-t-il, c’est en souvenir d’elle : je lui ai juré de veiller sur vous, de penser à vous plus qu’à moi, et d’agir comme je l’entendrais si votre bonheur était en jeu… Mais il y a une autre raison… plus mystérieuses… plus humaine…