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ger quand un bruit de voix attira mon attention. Je me dirigeai à tâtons le long d’un couloir très obscur. Une porte le fermait. Les voix s’élevaient bien derrière cette porte.

Avec des précautions, infinies je l’entr’ouvris. Au bout d’une grande pièce, sous le manteau d’une cheminée immense, se tenaient ces demoiselles d’Archignat. Et j’entendis l’une d’elles qui disait :

— Tu as beau faire, il m’aimait, c’est moi qu’il aimait.

Et l’autre répondit :

— Peut-être ; mais, moi, je l’ai tué.

Elles parlaient de cela ! Elles en parlaient après quarante ans ! Et n’était-ce point de cela qu’elles parlaient, dehors, comme dans l’unique pièce qu’elles avaient conservée, dans l’unique pièce où j’apercevais la table encore servie et, contre le mur, leurs deux lits, côte à côte ?

Elles continuaient, et elles dirent d’effroyables choses. Et elles ne les criaient point comme on crie des paroles de colère et de rancune. Non, sans doute, leur voix s’était usée à crier et elles n’avaient plus la force de faire des gestes violents.