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force d’appeler au secours, elle fut bâillonnée, ficelée dans ses couvertures, et emportée dans les bras d’un homme. À moitié morte de terreur, elle eut conscience que l’on suivait le couloir, que l’on descendait l’escalier, puis que l’on sortait de la maison. Elle s’évanouit.

L’air froid du dehors et la douleur causée par de brusques cahots la réveillèrent. L’homme l’avait couchée en travers de son cheval et lui soutenait la tête à l’aide de son bras droit. Ils allaient à grande allure. Elle voulut crier. L’homme mit sa bête au pas, se pencha sur Éveline et lui dit :

— N’ayez pas peur, Éveline, c’est moi, Jean, moi qui vous aime !

— Oh ! laissez-moi, laissez-moi ! supplia-t-elle.

Il remit son cheval au galop. Éveline de nouveau, perdit connaissance.


Le domaine de Bohalgo comprend un vieux castel bâti sur la pointe d’une colline de schiste qui domine le fleuve, et de grands bois qu’entoure un mur à créneaux et à poivrières. Nulle route n’y mène. À perte de vue, des landes l’environnent, si lépreuses que les bergers n’osent y aventurer leurs bêtes. Éveline eut sa chambre au dernier étage, une vaste pièce nue qui recevait un peu de lumière par une lucarne percée très haut.