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Le Bon mépris



Ma surprise fut grande, en arrivant dans cette petite ville de province, insignifiante et perdue, de rencontrer Jérôme du Guerche, le romancier dramaturge. Il fumait sa pipe, le chapeau sur l’oreille, l’air un peu débraillé d’un monsieur qui est chez lui. Était-ce bien celui dont on admire à Paris, dans les salons littéraires, la tenue si correcte et les allures si réservées ?

— Que diable faites-vous ici, m’écriai-je ?

— Comment, ce que je fais ici ? mais c’est mon trou natal ; je suis ici parmi mes chers concitoyens, et pour rien au monde je ne manquerais d’y passer tous les ans deux ou trois mois. Mais vous, par quel hasard ?

— Oh ! moi, lui répondis-je, c’est aussi simple ; je me marie, mon beau-père est quelque chose comme conseiller municipal de l’endroit, je viens rejoindre ma fiancée, et…

Il m’interrompit d’une voix brusque :

— Vous entrez dans une famille d’ici ?

— C’est-à-dire que mes beaux-parents habitent Paris maintenant, mais leurs propriétés, leurs affaires, sont en cette ville et ils y séjournent de temps à autre.