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Angélique ne l’ignorait pas. Elle en riait, touchée néanmoins de cette désignation qui la liait davantage à sa chère Léda, la joie de sa vie.

Ce jour-là elles entrèrent dans la boutique de l’épicier. L’aînée des Lebaudru s’y plaignit d’une grosse erreur à son détriment sur la facture du dernier mois. Une discussion s’éleva. Les livres furent feuilletés, le commis pris à témoin.

Tout à coup Angélique s’écria :

— Tiens ! où est Léda ? je ne la vois plus.

Elle sortit précipitamment. Mais, sur le trottoir, elle s’arrêta, les yeux fixes, les bras en l’air. Et elle gémissait :

— Oh !… oh !… Léda…

Au milieu de la chaussée, la chienne, accouplée à une espèce de roquet jaune et misérable, tirait la langue, mélancolique.

Une colère fouetta mademoiselle Lebaudru. En trois pas elle rejoignit la criminelle, l’empoigna par le cou et voulut l’enlever. Mais ainsi elle trainait le complice, et les deux bêtes geignaient.

Un attroupement se forma. Des gamins examinaient curieusement ce spectacle. L’un d’eux, plus âgé, se tenait les côtes.

Une minute, Angélique resta atterrée, rouge de honte. C’était elle-même, lui semblait-il, qui se trouvait exposée aux ricanements. Elle souffrait dans sa propre pudeur. Quelle ignominie ! Alors, ne sachant que faire, elle s’enfuit, abandonnant la petite Lebaudru.

Enfermée dans sa chambre, elle y