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il faudrait mettre en jeu les rouages administratifs les plus compliqués et obtenir un décret du Conseil d’État.

» Or, il paraîtrait que M. Valenglay président du conseil, d’accord avec le préfet de police, s’oppose à toute enquête trop minutieuse, susceptible de déchaîner un scandale dont on s’effraye en haut lieu. Ressusciter Arsène Lupin ? Recommencer la lutte avec ce damné personnage ? Risquer encore la défaite et le ridicule ? Non, non, mille fois non.

» Et, c’est ainsi qu’il arrive cette chose inouïe qu’Arsène Lupin, l’ancien voleur, le récidiviste impénitent, le roi des bandits, l’empereur de la cambriole et de l’escroquerie, qu’Arsène Lupin peut aujourd’hui, non pas clandestinement, mais au vu et au su du monde entier, poursuivre l’œuvre la plus formidable qu’il ait encore entreprise, habiter publiquement sous un nom qui n’est pas le sien, mais qu’il a fait en sorte qu’on ne lui contestât pas, supprimer impunément quatre personnes qui le gênaient, faire jeter en prison une femme innocente contre laquelle il a lui-même accumulé les preuves les plus mensongères, et, en fin de compte, malgré la révolte du bon sens, et grâce à des complicités inavouables, toucher les deux cents millions de l’héritage Mornington.

» Voilà l’ignominieuse vérité. Il était bon qu’elle fût dite. Espérons qu’une fois révélée elle influera sur la conduite des événements. »

— Elle influera tout au moins sur la conduite de l’imbécile qui a écrit cet article, ricana don Luis.

Il congédia Mlle Levasseur et demanda le commandant d’Astrignac au téléphone.

— C’est vous, mon commandant ?

— Vous avez lu l’article de l’Écho de France ?

— Oui.

— Cela vous ennuierait-il beaucoup de demander une réparation par les armes à ce monsieur ?

— Oh ! oh ! un duel !

— Il le faut, mon commandant. Tous ces artistes-là m’embêtent avec leurs élucubrations. Il est nécessaire de leur mettre un bâillon. Celui-là paiera pour les autres.

Les pourparlers furent immédiats.

Le directeur de l’Écho de France déclara que, bien que l’article, déposé à son journal sans signature et sous forme dactylographique, eût été publié à son insu, il en prenait l’entière responsabilité.

Le même jour, à trois heures, don Luis