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quer le sens de son interruption. On eût dit qu’elle dénouait son masque d’impassibilité, et que, sous la poussée des sentiments qui la remuaient, sa figure allait prendre une expression plus animée. Mais, par un effort visible, elle se contint et murmura :

— Je ne sais pas… je n’ai aucun avis.

— Peut-être, dit-il, en l’examinant avec curiosité, mais vous avez un doute… un doute qui serait permis s’il n’y avait pas les empreintes laissées par la morsure même de Mme Fauville. Ces empreintes-là, voyez-vous, c’est plus qu’une signature, plus qu’un aveu de culpabilité. Et tant qu’elle n’aura pas donné là-dessus une explication satisfaisante…

Mais, pas plus là-dessus que sur les autres choses, Marie-Anne Fauville ne donnait la moindre explication. Elle demeurait impénétrable. D’autre part, la police ne réussissait pas à découvrir son complice, ou ses complices, ni cet homme à la canne d’ébène et au lorgnon d’écaille dont le garçon du café du Pont-Neuf avait donné le signalement à Mazeroux, et dont le rôle semblait singulièrement suspect. Bref, aucune lueur ne s’élevait du fond des ténèbres. On recherchait également en vain les traces de ce Victor, le cousin germain des sœurs Roussel, lequel, à défaut d’héritiers directs, eût touché l’héritage Mornington.

— C’est tout ? fit Perenna.

— Non, dit Mlle Levasseur, il y a dans l’Écho de France un article…

— Qui se rapporte à moi ?

— Je suppose, monsieur. Il est intitulé : Pourquoi ne l’arrête-t-on pas ?

— Cela me regarde, dit-il en riant.

Il prit le journal et lut :

« Pourquoi ne l’arrête-t-on pas ? Pourquoi prolonger, à l’encontre de toute logique, une situation anormale qui remplit de stupeur les honnêtes gens ? C’est une question que tout le monde se pose et à laquelle le hasard de nos investigations nous permet de donner l’exacte réponse.

» Un an après la mort simulée d’Arsène Lupin, la justice ayant découvert, ou cru découvrir, qu’Arsène Lupin n’était autre, de son vrai nom, que le sieur Floriani, né à Blois, et disparu, a fait inscrire sur les registres de l’état civil, à la page qui concernait le sieur Floriani, la mention décédé, suivie de ces mots : sous le nom d’Arsène Lupin.

» Par conséquent, pour ressusciter Arsène Lupin, il ne faudrait pas seulement avoir la preuve irréfutable de son existence, — ce qui ne serait pas impossible, —